26 sept. 2009

Un moment de solitude (mon Montréal, la partie 2)

Chez Il Panino, un petit café sur Ste Catherine. Je rentre.
- Saluuut! Ça fait looongtemps que j’t’ai pas vue ici! Comment vas-tuuu?!
Ils me sourient. C’est quand-même le café près de l’université... pas un coin perdu, et pourtant ils me reconnaissent! Même s'ils ne m'ont pas vue depuis plusieurs mois, ils me souhaitent une bonne fin de semaine et me disent: à la prochaine! J’y reviendrai, pardi. Comme dirait Paul, tout ça me remplit de bonheur, je capote.

Tant de petits trucs ici auxquels je suis reconnaissante, qui font ma vie volumétrique... Descendre à la porte avant au lieu de celle en arrière juste pour dire Merci, bonsoir! au chauffeur de mon autobus. M'asseoir sur le banc près du St Laurent et faire semblant de lire mais méditer. Quitter le concert en hommage à Joe Dassin avec des chansons de qui, au fait, j’ai grandi pour aller à celui de Loco Locass et y danser parmi des ados chargés. Avoir des fourmis dans le dos en écoutant au milieu de la foule de milles personnes chantant Y faaait freeette. Faire rire par ma connerie un fonctionnaire sérieux en costume avec une cravatte. Exciter par des petites pommes des muettes stupides et des beaux canards au Vieux Port. Être dans banc de neige et compter des étoiles comme dans mon enfance. Savourer ce beau temps d'automne et écrire ce texte au lieu d'étudier...

Il me semble parfois que je sois seule parmi mes chers immigrants qui aime tellement Montréal. Qui sens autant cette ville. C'est fou. Mais quelque chose m'attire ici au niveau métaphysique. Troisième degré. On vit en résonance, je le sens presque palpablement. Chaque soir en revenant chez nous. Et pire que ça... il me répond de meme, il paie de retour. C'est vrai, je ne tombe presque pas sur des gens méchants ou des situations embêtantes. En tout cas, beaucoup plus rare que certains de mon entourage.

Je ne sais pas quoi faire avec cette sensation indicible. Je l'ai gardée longtemps non-partagée, je ne voulais pas la partager franchement. Ni avec mes chers immigrants. Ni avec des gens d'ici.

Les premiers, comme je présume, me prennent pour une optimiste déphasée, au mieux, ou bien pour une fieffée hypocrite, au pire. Plusieurs me disaient: "Regarde autour, la vie n'est pas si rose". "De quelle harmonie tu parles, dans cette architecture affreuse, hein?". "Rappelle-toi, après tes cours de francisation tu ne verras plus tes collègues, tout sera fini". "Trouver des amis proches parmi des québécois? Pas possible!" Et finalement, une de mes phrases préférées que j'ai entendue parler: "Mais écoute... à part leur médecine et les gens qui détestent des immigrants, dis-moi, pourquoi je dois tenir toutes portes ici, pas les pousser?! C'est quoi ça?!". Ça me fait rire. Je m'en fous. Moi et un des plus grands personnages historiques du XX siècle, on a une chose à vous répondre: You create your own univers as you go along.

Les derniers, d'ici, quand ils me demandent comment je trouve Montréal, entendent de moi des mots clichés. Je l'aime bien... Je parle du climat pareil et d'autres bêtises. Je pourrais les raconter, bien sûr, qu'une couple de minutes avant leur question j'écoutais La danse à St Dilon ou Mes souliers, ou bien que je prends volontairement et régulièrement des documentaires à la BNQ, ou que j'aime Mon oncle Antoine, ou encore que je sais combien de poutines ils vendent chez La Belle Province au coin de St Laurent et Ste Catherine, et qu'enfin je suis capable de distinguer Joël Denis de Johnny Farago :) Mais heureusement je n’ai pas besoin d’aller si loin. Ils se sont déjà contentés de ma réponse. Ce n'est qu'un échange de politesses. Je le sais bien...

En tout cas, je reste toujours immigrante et comme eux tous je suis assez susceptible et j'ai crainte de briser cette harmonie avec ma ville. C'est pourquoi prière d’oublier tout ce que je viens de vous dire. MIB. Un flash pour effacer votre mémoire. Merci.

8 sept. 2009

Coucou, ma chère.

Tu demandais de mes nouvelles. Tiens-les.
La semaine passée, je suis rentrée à l'université! Imagine, je vais étudier à l'école de gestion, moi. En français. À Montréal. Ce qu'on en rêvait à l'époque de nos études en Sibérie! Nous, on en rêvait, mais ben c'est moi qui vais y étudier maintenant :) Effectivement, contrôle bien ton imagination, parce qu'un jour tes rêves se réaliseront et ce n'est que toi qui seras en responsable.

Cela m'est déjà arrivé. J'en souffre, moi, j'ai du stress. Je me demande ce que j'y fais et pourquoi. Je me calme en disant que ce n'est pas encore tard de l'abandonner, ce programme-là, de m'en échapper à jamais. Franchement, imagine moi et le cours qui s'appelle Négociations internationales! Où, bien entendu, il faut que je parle! Tout le temps! En français, je le souligne. Nul doute, ce beau jour-là, quand je suis arrivée à choisir ce cours, mon cerveau était en mode stand-by. D'ailleurs, c'est son état absolument normal.

Cependant, je t'avoue que mes collègues là sont ben gentils et sympatiques. La plupart d'eux sont 100% pure laine du souche d'icitte. C'est dommage que je ne comprenne pas ce qu'ils me disent, mais leurs intonations sont assez positives. En gros. Je crois :)

Le pire est quand ils blaguent. Et quand tout le monde rit sauf, bien sûr, moi, designée par Dieu. Cache bien ton brilliant sens de l'humour, Macha, tu l'exhiberas d'ici deux ou trois ans, après avoir maîtrisé la langue, pas plus tôt :) Tu te sens comme une retardée mentale, mais pire que ça, tu es absolument sûre qu'ils te prennent pour celle-là. Voulez-vous devenir paranoïaque? Faites l'immigration :)

C'est aussi un petit peu difficile de mémoriser leurs noms. Tu sais, 50 personnes dans chaque group, pis les noms sont souvent composés et inconnus pour mes oreilles, alors quand ils se présentent, je les redemande, pis encore fois, pis encore... mais après ça, redemander la même chose pour la 5ème fois... tu sais, ça dépasse même ma propre formule de politesse. Pour l'instant, j'ai décidé d'appeler tout le monde 'bonjourçava', ou en cas d'urgence je pense que je pourrais les siffler :)

En plus, mon premier jour là... j'y suis bien rentrée, mais mal tombée. J'ai glissé sur le planchet ce qu'on était venu de laver et je me suis foulé la patte gauche, alors maintenant je la tire un peu et je marche сomme une mémé:) en tout cas, c'est pas grave, et je n'ai pas besoin de m'acheter un fauteuil motorisé, bien que dans ce coup-là je puisse y attacher un petit drapeau patriotique et ce serait ben ben beau :)

À part de tout ça, tout va bien. Malgré que j'essaie de faire pitié, je sais que je vais faire mon possible pour m'en débrouiller et que finalement mon cheval (étique ou fringant, on verra), se ramènera au poteau d'arrivée. Parce qu'on sait bien que les russes ne capitulent jamais :)
Je t'embrasse.